Réforme de l'autorisation environnementale : Une transformation structurante pour l'industrie verte ?

DROIT DE L'ENVIRONNEMENT

Lionel LE NOAY

10/29/20245 min read

wind turbines on green grass field under blue sky during daytime
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L’autorisation environnementale, depuis son instauration par l'ordonnance n°2017-80 et le décret n°2017-81 du 26 janvier 2017, a tenté de simplifier les procédures administratives pour les projets nécessitant des autorisations multiples. Elle vise à regrouper différentes autorisations (ICPE, IOTA, défrichement, etc.) en une procédure unique, intégrant ainsi des évaluations d’impact, des analyses de risques et des études de compatibilité réglementaire. Ce régime, bien qu'innovant, s’est vu critiqué pour les délais relativement longs d'instruction, de plusieurs mois à parfois plus d’un an, freinant ainsi la réalisation rapide de certains projets industriels, en particulier dans les énergies renouvelables.

Issue de la loi n° 023-845 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte et de son décret d’application n°2024-742 du 6 juillet 2024, la réforme d'octobre 2024 un double objectif : d’une part, réduire les délais d’instruction et simplifier le processus, et d’autre part, instaurer des étapes de concertation publique dès le début du projet. Dans cet article nous nous intéresserons aux deux grandes facettes de cette réforme, savoir les changements apportés au niveau de l’instruction et de la concertation publique (I), et les nouveaux risques contentieux que cette accélération pourrait impliquer (II).

I- Les Changements notables dans l’instruction des demandes d’autorisation environnementale et la concertation publique

La réforme entrée en vigueur le 22 octobre 2024 introduit plusieurs modifications structurelles qui devraient faciliter et accélérer le traitement des demandes d'autorisation environnementale. Parmi les principaux changements, le décret limite la durée d'instruction pour la plupart des projets à un délai plus restreint, compris entre 6 et 9 mois, alors qu'il pouvait auparavant dépasser un an. Cette réduction des délais est le fruit d’une réorganisation profonde des étapes administratives, impliquant notamment une rationalisation des études et l'optimisation des procédures d'instruction.

Les autorités administratives doivent désormais procéder à une instruction plus rapide des dossiers, en adaptant les étapes d'analyse aux types spécifiques de projets, avec des exigences modulées pour éviter des évaluations prolongées. Le décret modifie les articles R. 181-10 et suivants du Code de l’environnement, fixant des délais maximaux pour chaque étape de la procédure d’instruction, tout en assurant que les exigences de fond, notamment en matière de prévention des risques et de protection de la biodiversité, soient respectées. Pour les projets renouvelables, ces mesures de simplification sont cruciales, car elles permettent un calendrier d’investissement plus prévisible et facilitent les décisions de financement, souvent subordonnées à des délais stricts.

Un autre changement majeur introduit par cette réforme concerne la consultation publique. Traditionnellement organisée après la soumission complète du dossier, la concertation publique a été déplacée en amont du projet, avant même le dépôt de la demande officielle. Cette avancée dans le processus permet d'intégrer les avis des parties prenantes dès les premières étapes, ce qui peut non seulement faciliter la prise en compte des enjeux locaux et environnementaux, mais aussi réduire les contestations tardives.

Cette consultation précoce impose aux porteurs de projets une réflexion plus poussée en amont et une interaction continue avec les parties prenantes locales. Les industriels doivent désormais communiquer leurs intentions et leurs études initiales de manière transparente, en anticipant les préoccupations des citoyens et des associations environnementales. Le décret impose également aux porteurs de projets de répondre explicitement aux préoccupations exprimées par le public et d’intégrer ces réponses dans le dossier final.

II- De nouveaux enjeux contentieux et les risques d'insuffisance d'évaluation

Cette réforme de l’autorisation environnementale s’inscrit dans un cadre de modernisation plus global des procédures environnementales, où plusieurs mesures visent à accélérer les délais tout en conservant des garanties de qualité et de sécurité juridique. Elle accompagne notamment la réduction du délai de recours pour les tiers, désormais restreint, et la faculté pour le juge administratif de surseoir à statuer afin de permettre une régularisation lorsque cela est possible, réduisant ainsi les cas d’annulation pour vice de procédure.

La réduction des délais d’instruction et l’anticipation de la consultation publique soulèvent toutefois des enjeux contentieux importants. D’une part, le raccourcissement des délais peut affecter la rigueur dans l’analyse des études d’impact environnemental, pourtant cruciales pour évaluer en profondeur les effets des projets. L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Lyon (CAA Lyon, 15 février 2024, n°22LY00841) souligne que toute autorisation doit faire l’objet d’une analyse détaillée des impacts, incluant les effets cumulatifs, afin d’éviter une contestation pour insuffisance d’étude, rappelant que les contraintes de calendrier ne doivent pas compromettre la qualité scientifique.

D’autre part, les délais stricts imposent une pression accrue sur les autorités, qui doivent veiller à ce que des aspects essentiels, comme la prise en compte de la biodiversité, ne soient pas négligés. La décision ADET 54 et autres (CE, 17 février 2023, n°460798) a illustré les conséquences de l'absence d’évaluation des impacts sur les espèces protégées, entraînant une annulation pour non-respect de la directive Habitats. Ce risque est particulièrement important dans le contexte de la directive 92/43/CEE modifiée par la directive 97/62/CEE, où les exigences de préservation de la biodiversité demeurent impératives, même avec des délais raccourcis.

Enfin, en intégrant les principes de la Convention d'Aarhus, cette réforme accorde une place plus marquée aux droits des citoyens en matière d'accès à l'information, de participation et de recours. L’anticipation de la consultation publique vise à renforcer la transparence en permettant aux citoyens de s’impliquer plus tôt dans le processus décisionnel. Cependant, cette évolution peut générer des risques de recours si les observations ne sont pas suffisamment prises en compte. Le juge administratif a pu sanctionner un manque de prise en compte des avis du public, justifiant l'annulation de l'autorisation.

En somme, cette réforme impose une vigilance accrue de la part des porteurs de projets pour garantir la rigueur des études d’impact et la qualité des interactions publiques. Les nouveaux délais et la concertation anticipée sont indéniablement favorables au développement de projets verts, mais la transparence et la rigueur scientifique restent essentielles pour préserver la sécurité juridique des projets et minimiser les risques de contentieux.

Conclusion

La réforme de l’autorisation environnementale promet une avancée significative dans le soutien aux projets industriels verts, en particulier pour les énergies renouvelables. La simplification et l’accélération des procédures représentent un progrès majeur pour les investisseurs et les industriels, mais elles imposent aussi une adaptation en profondeur des pratiques d’instruction et de concertation. Face aux nouveaux risques contentieux, il est essentiel pour les porteurs de projets de s'entourer d'une expertise juridique pointue et de maintenir un haut niveau de conformité et de transparence dans toutes les étapes de la procédure.